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Emballages cosmétiques : Si les entreprises se mobilisent pour réduire leur impact, les investissements restent lourds

La recommandation n°3 du rapport sur la transition écologique de la filière Parfums et Cosmétiques invite à multiplier les expérimentations de ventes en vrac dans le cadre des recommandations de l’ADEME et en dresser le bilan. Les emballages représenteraient 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des cosmétiques selon Quantis. Toutes les entreprises rencontrées …

Emballages cosmétiques : Si les entreprises se mobilisent pour réduire leur impact, les investissements restent lourds
La plupart des entreprises rencontrées ont fait part à la mission de leur incompréhension sur la mesure de la loi AGEC visant à atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 : toutes indiquent qu’elles engagent d’importants programmes visant à respecter les objectifs de matières plastiques recyclables et recyclées et affirment que leurs investissements ne seront pas amortis d’ici 2040.
Quid de la transition écologique de la filière parfums et cosmétiques ?Selon le Rapport sur la transition écologique de la filière, les efforts du secteur doivent être amplifiés

La recommandation n°3 du rapport sur la transition écologique de la filière Parfums et Cosmétiques invite à multiplier les expérimentations de ventes en vrac dans le cadre des recommandations de l’ADEME et en dresser le bilan.

Les emballages représenteraient 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des cosmétiques selon Quantis. Toutes les entreprises rencontrées ont évoqué les efforts qu’elles ont entrepris pour réduire le poids et l’impact environnemental des emballages finaux des produits.

“Plusieurs explications peuvent être apportées à la priorité très souvent donnée aux efforts sur les emballages : en premier lieu, la réglementation est de plus en plus exigeante sur ce point ; en deuxième lieu, les entreprises, en particulier les grandes marques, peuvent faire pression sur leurs fournisseurs d’emballage en matière d’écoconception ; en troisième lieu, l’emballage du produit cosmétique est particulièrement emblématique et joue bien sûr un rôle essentiel pour déclencher l’acte de vente, surtout dans le segment du luxe, comme le révèle une étude de CITEO de 2019 (Emballages de luxe : la perception des Français et les solutions d’écoconception ?); en dernier lieu, les consommateurs, dans leur majorité, comprennent et acceptent ces démarches (source CITEO)”, commente la mission d’étude du rapport.

En juin 2021, la FEBEA a publié un « Plastic act » ambitieux par lequel les entreprises membres de cette fédération prennent des engagements à l’horizon 2025 portant sur l’ensemble des plastiques, à la différence de l’article 7 de la loi AGEC et de son décret d’application du 29 avril 2021 qui ne concernent que les plastiques à usage unique : réduire de 15% la quantité de plastique utilisé, réemployer 20% du plastique, réincorporer 10 à 25% du plastique dans de nouveaux emballages, recycler 100% des emballages plastiques en sensibilisant les consommateurs aux gestes de tri.

La mission n’a pas eu accès à des données qui lui auraient permis de mesurer l’impact final sur l’environnement (par exemple en termes d’émissions de GES évitées) des actions menées en matière d’emballages. Néanmoins, les entretiens qu’elle a menés l’amènent à considérer que la filière dans son ensemble est mobilisée sur le sujet.

En particulier, deux producteurs d’emballages rencontrés par la mission lui ont exposé les investissements qu’ils ont consacré et doivent encore consacrer à l’amélioration du bilan environnemental de leurs produits, sans pouvoir selon eux en répercuter le coût sur leurs prix de vente aux donneurs d’ordre, alors que le coût de leurs matières premières augmente fortement.

Parmi les initiatives visant à aider les entreprises à améliorer la prise en compte des impacts environnementaux de leurs emballages et à les réduire, l’une des plus emblématiques est la mise à disposition de l’outil « Sustainable Packaging Initiative for CosmEtics » (SPICE) « née d’une démarche internationale, initiée en 2018 par L’Oréal et Quantis, rejoints par une vingtaine d’entreprises cosmétiques et fournisseurs d’emballages, dont la FEBEA. L’ensemble des partenaires ont co-développé une méthodologie de mesure de l’empreinte environnementale des packaging cosmétiques. Aujourd’hui, cette méthodologie devient un outil ouvert à toutes les entreprises du secteur. Elles pourront ainsi mesurer et réduire l’empreinte environnementale de chaque emballage cosmétique, sur l’ensemble de son cycle de vie » (communiqué de la FEBEA).

SPICE regroupe à ce jour 24 membres dont 17 industriels de la cosmétique. Cet outil est utilisé par une dizaine d’entreprises non membres selon Quantis. Quelques critiques sur l’outil ont été formulées à la mission : notamment, il ne prendrait pas en compte la fin de vie du produit (il prend en fait en compte les dimensions qui sont dans la méthodologie européenne du PEF, expliquée au 4.3.2). L’outil est à disposition de toutes les entreprises. Il n’est pas gratuit mais son coût, un forfait annuel de 25 000 euros pour une entreprise membre, est moins élevé que le tarif pratiqué habituellement par les cabinets conseils spécialisés pour la réalisation de l’ACV d’un seul emballage (en moyenne 20 000 euros).

CITEO a également développé un outil d’écoconception, afin d’améliorer le recyclage des emballages, et mis en place des aides. Il n’a pas fourni à la mission, pour des raisons de confidentialité et parce que les cosmétiques ne sont pas dissociés des produits d’hygiène dans ses statistiques, des données sur les entreprises du secteur des cosmétiques ayant pu en bénéficier, ni sur celles qui ont fait l’objet d‘un bonus ou d’un malus en application de la grille tarifaire fixée réglementairement. Par ailleurs, en mai 2020, la FEBEA et CITEO ont publié un guide relatif à l’écoconception des emballages des produits cosmétiques.

Les entreprises utilisent de plus en plus des emballages en plastique recyclé et/ou recyclable

“Presque toutes les entreprises qui ont répondu au questionnaire de la mission disposent déjà au moins d’un produit avec un emballage en plastique recyclable ou recyclé. Le coût du passage d’un plastique PET33 en PET recyclé semble très variable d’une entreprise à une autre ; il est vrai que la façon d’évaluer un tel coût n’est pas normée et les travaux de préparation, de conception, de marketing ou autres peuvent ou non être pris en compte. Certaines entreprises de grande taille développent des systèmes comprenant un contenant réutilisable et des recharges en plastique recyclable et parfois recyclé”, a constaté la mission lors de son étude.

Un fabricant d’emballages explique que le coût de la recherche et du développement pour obtenir un tube de dentifrice parfaitement recyclable s’est élevé à 30 M€ sur 10 ans. La plupart des entreprises rencontrées ont fait part à la mission de leur incompréhension sur la mesure de la loi AGEC visant à atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 : toutes indiquent qu’elles engagent d’importants programmes visant à respecter les objectifs de matières plastiques recyclables et recyclées et affirment que leurs investissements ne seront pas amortis d’ici 2040, d’autant que cette date est susceptible d’être avancée par une loi ultérieure. Par ailleurs, pour ces entreprises, un plastique recyclé n’est pas à usage unique.

Par ailleurs, les ACV transmises par les entreprises mettent également en évidence que la substitution du plastique par les matériaux usuels pourrait se traduire par une augmentation des émissions de GES. Le tableau suivant compare des contenants à usage unique pour une même quantité de produit sous le seul angle de ces émissions et en l’état actuel des techniques:

Il convient toutefois de souligner que les actions visant à réduire le poids du verre, à réduire les émissions de GES de la fabrication du verre évoquées au point 3.4.3, à remplacer le plastique par du carton par exemple, sont de nature à faire évoluer ces données.

Quelques entreprises décident de substituer le verre (parfois aminci) au plastique ou mettent sur le marché des conditionnements innovants comme des emballages en tout ou en partie en papier. Ces emballages sont parfois fabriqués avec des matières recyclées et sont eux-mêmes, recyclables, compostables ou réutilisables.

Deux difficultés liées au développement du recyclage

De façon générale, les entreprises relèvent deux difficultés liées au développement du recyclage. D’une part, elles constatent une certaine pénurie sur la disponibilité de plastiques recyclés (polyéthylène ou polypropylène recyclé) ; d’autres part les matériaux recyclés sont plus chers que les résines natives, ce qui peut conduire à une hausse parfois sensible du prix de revient des produits.

Par ailleurs, des projets sont menés dans une optique de plus long terme. Par exemple, Procter & Gamble participe à un programme « Holy Grail » sur des emballages intelligents avec filigrane numérique, qui fait l’objet d’essais au Danemark : l’objectif est de permettre un tri intelligent des déchets.

Les entreprises s’efforcent de réduire à la fois le poids et le volume des emballages, en les concevant différemment, en supprimant ceux qui paraissent inutiles (suremballages) ou en allégeant le poids de l’emballage primaire lui-même (par exemple en amincissant des verres ou en remplaçant un contenant lourd par une matière plus légère). Ces actions ont des effets directs sur le bilan carbone du transport du produit concerné et devraient être intensifiées sans bien sûr remettre en cause la bonne information des consommateurs.

Vrac : un fort potentiel de croissance

“Le développement de la vente en vrac, à rebours des évolutions des 60 dernières années, paraît a priori favorable à l’environnement puisque cette forme de distribution permet de réduire l’utilisation d’emballages à usage unique et leurs déchets”, explique le rapport. Les évolutions législatives récentes précédemment évoquées encouragent la vente en vrac et en fixent le cadre. En particulier, l’article L. 120-1 du code de la consommation, introduit par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, donne une définition très rigoureuse de la vente en vrac : «La vente en vrac se définit comme la vente au consommateur de produits présentés sans emballage, en quantité choisie par le consommateur, dans des contenants réemployables ou réutilisables. La vente en vrac est proposée en libre-service ou en service assisté. Elle peut être conclue dans le cadre d’un contrat de vente à distance. Tout produit de consommation courante peut être vendu en vrac, sauf exceptions dûment justifiées par des raisons de santé publique. La liste des exceptions est fixée par décret. »

Ainsi, la vente doit satisfaire trois conditions pour être considérée comme étant en vrac : sans emballage, en quantité choisie et dans des contenants réemployables ou réutilisables. S’agissant particulièrement des produits cosmétiques, une contrainte supplémentaire pèse sur le vendeur dans la mesure où il doit être déclaré auprès de l’ANSM.

Par ailleurs, l’article R. 5131-4 du code de la santé publique prévoit que le produit cosmétique vendu en vrac doit être accompagné de l’information prévue par le règlement du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Ainsi, le consommateur doit disposer d’un contenant pré-étiqueté (numéro de lot et date de péremption).

L’ADEME a publié en novembre 2021 un « Panorama et évaluation environnementale du vrac en France ». Elle a notamment analysé les avantages environnementaux de la vente en vrac d’un savon liquide pour mains. Sur 5 des 6 indicateurs retenus (changement climatique, particules affectant les voies respiratoires, toxicité humaine, acidification, épuisement des ressources), « l’écart entre les deux systèmes est suffisamment significatif pour conclure que le système vrac est plus pertinent que le préemballé » pour ce savon liquide. Elle fait les recommandations suivantes :  développer des équipements de distribution pertinents tant en ce qui concerne leur fabrication, leur lavage que leur fin de vie ; disposer d’un personnel dédié et formé pour gérer et entretenir le rayon et accompagner le client ; guider le consommateur avant et pendant l’achat, au moment de la consommation et dans le stockage des produits à domicile.

Selon une étude de « Réseau vrac », association des professionnels du vrac, et de l’Institut Nielsen, menée en décembre 2020, quatre foyers sur dix seraient acheteurs de vrac, dont près de la moitié de façon régulière. D’après Réseau vrac, le chiffre d’affaires du vrac aurait été multiplié par douze en six ans et le secteur des cosmétiques, encore minoritaire en France, connaît un fort potentiel de croissance.

Le coût de l’investissement pour commercialiser un produit cosmétique en vrac varie, selon les quelques entreprises qui ont répondu à la mission sur ce point, entre 28 000 à 40 000 €. “Au total, si la vente en vrac peut présenter des avantages notamment en termes de changement climatique et de préservation de l’environnement, elle n’est envisageable que pour certains produits et dans des circuits de distribution permettant une surveillance, voire une assistance des consommateurs. Elle suppose une importante démarche d’écoconception et une discipline de tous les acteurs. Des initiatives visent à transformer l’acte d’achat du consommateur : celui-ci est invité à acheter un contenant réutilisable (verre ou aluminium), au design particulièrement étudié, et à le rapporter en magasin pour le remplir lui-même ou le faire remplir par un employé. Certaines entreprises de cosmétiques mènent des expérimentations, notamment pour évaluer la capacité d’adaptation de leurs clients, par exemple lorsqu’il s’agit de mettre en place des consignes” conclut la mission sur le sujet.

(Source : Rapport sur la transition écologique de la filière Parfums et Cosmétiques)

ParLa rédaction
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